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Gérer une ville-nature

07/02/2025
L’observation attentive d’un grand nombre de projets urbains récents montre la possibilité d’une véritable réévaluation de la fonction et du statut de la nature en ville : au delà des aspects esthétiques, sociaux ou économiques, ce sont aujourd’hui les fonctions environnementales réattribuées au végétal dans la cité qui en font un facteur d’équilibre indispensable pour un développement urbain durable.
Gérer une ville-nature
Cette vision actualisée se base notamment sur la reconnais- sance d’une fonction active et non pas uniquement passive dela nature dans la régulation de l’en- vironnement et suggère donc une remise en question plus poussée et audacieuse de la façon de concevoir et de gérer lacité.
Végétalisation d’un ilôt de voirie concue pour une gestion extensive.

Accompagner la nature en ville

Si l’idée de concevoir une ville plus verte se dessine actuellement dans les réalisations, sans qu’elle soit pour autant clairement comprise ou revendiquée, une autre évolution bien plus volontariste l’accompagne également. On parle ainsi poliment de «maîtrise des dépenses d’entre- tien» quand il s’agit en réalité de réduire les coûts. Cette tendance qui se généralise depuis des années conduit à un véritable décrochage entre la volonté de créer, d’investir, et la capacité réelle d’entretenir ces créations. Ce décalage ne concerne pas uniquement les intentions po- litiques ou les choix économiques,il s’opère également et c’est beaucoup plus grave, sur la démarche de conduite de projet : trop souvent les objectifs de conception, si attractifs qu’ils puissent paraître, sont totalement déconnectés de la réalité de leur devenir et se résument à une image virtuelle et figée. Or la composante végétale d’un paysage ne peut pas être envisagée de manière statique, c’est une structure vivante et dynamique donc nécessairement évolutive dans l’espace et dans le temps. L’oubli de cette réalité conduit à réaliser du décor jetable qui s’appa- rente plus à de l’évènementiel qu’à un investissement sur le long terme. Certes, on peut chercher à dominer et à modeler la nature, la tradition des jardins à la française en est une parfaite illustration, mais cela impo- se de s’opposer à une force à la fois naturelle (biologie) mais aussi universelle (entropie) et nécessite donc une énergie conséquente comme chaquefoisquel’ontented’imposer notre ordre au désordre de l’univers. Il est donc impératif de réconcilier les ambitions de conceptions avec les objectifs de gestion. Il ne s’agit pas de réduire l’un à l’autre mais de retrouver une cohérence des choix, de reconnaître le caractère indissociable de ces deux étapes qui participent avec la même légitimité à la démarche de projet.
Les aménagements doivent prendre en compte les variations de densité et les typologies d’habitats. Selon que l’on soit au coeur de la ville, en zone périurbaine ou en périphérie, les mesures à prendre ne sont pas les mêmes.
L’acceptation de la présence libre du végétal en ville…

Le défi de la raison écologique

Or il faut bien se résoudre à une évidente contradiction : si l’on souhaite la présence de plus de nature dans la ville, les moyens mobilisables pour son entretien se réduiront inexorablement dans l’avenir pour des raisons à la fois politiques, économiques et sociales. Il est d’ailleurs tout à fait souhaitable qu’il en soit ainsi. Mais dans ces conditions, la démarche de projet devra donc nécessairement s’intéresser davantage à la question du devenir des réalisations afin d’en garantir la durabilité. Elle devra également envisager, dans une majorité de situations, des choix susceptibles de minimiser les besoins induits d’interventions ultérieures d’entretien. Or l’analyse des surcoûts de gestion met généralement en évidence l’éloignement entre les principes de conception des projets et les règles du fonctionnement naturel des écosystèmes. Ainsi, ce n’est souvent que par des mesures correctives artificielles et récurrentes que l’aménagement paysager peut survivre : arrosage, fertilisation, traitements phytosanitaires… Ce système plus ou moins hautement régulé fonctionne et peut donner des résultats étonnants (faire pousser un golf en plein désert ou concevoir un jardin de rhododendrons et d’azalées sur un sol calcaire dans le midi de la France), mais c’est au prix d’un coût économique et environnemental exorbitant. Ce modèle de création qui s’oppose à la nature ne peut plus servir de référence unique pour caractériser ce nouveau lien entre la nature et la ville. C’est nécessairement vers des paysages qui se revendiquent comme des écosystèmes à part entière, qui sont envisagés comme des compositions vivantes et complexes, en devenir vers un équilibre naturel, qu’il me semble impératif de s’orienter. Un vrai défi d’observation, de compréhension et d’imagination de ces compositions naturelles capables d’évoluer vers un état d’équilibre ou d’engager sous nos yeux une dynamique de transformation, s’offre donc aux paysagistes et aux gestionnaires qui choisiront d’accompagner la nature plutôt que de la soumettre. D’ou la question que pose Gilles Clément comment faire pour aller le plus possible “avec”, le moins possible “contre” la nature ? (1). Comment valoriser les savoir-faires horticoles en les enrichissant des connaissances scientifiques issues des recherches en écologie ? L’enjeu porte donc sur notre capacité à faire évoluer nos savoirs et nos pratiques afin de maitriser véritablement la conception et le suivi de toutes les tentatives de réintroduction de la nature dans la ville.

Différencier l’entretien

L’entretien différencié a joué un rôle majeur dans la naturalisation des espaces urbains. Les zones extensives sont de véritables atouts dans la préservation de la biodiversité. En laissant se développer les lieux peu fréquentés, de nombreuses espèces indigènes sont réapparues dans nos villes. Le principal défi de cette démarche est de faire cohabiter fonctionnalité, loisirs et nature. Les services espaces verts se heurtent souvent à l’incompréhension des habitants face à ce mode de gestion. Ainsi, il est essentiel de mettre au point diverses stratégies de communication afin de faire passer le message. Changer les massifs fleuris en jachère ne se fait pas en un jour. Progressivement, les riverains doivent assimiler le fait qu’une diminution des interventions ne rime pas forcément avec négligence. La gestion différenciée répond aux objectifs du développement durable. Elle doit prendre en compte les enjeux environnementaux mais aussi les attentes des usagers. Les parcs et jardins sont des zones de détente, dans lesquels les visiteurs doivent pouvoir profiter de la nature tout en observant la faune et la flore.
Une première étape vers l’appropriation de l’espace public par les habitaxnts : micro implantations florales sur voirie réalisée par les habitants de Lyon.

Végétal et évolution culturelle

Cette évolution devra également s’accompagner d’un vrai travail pédagogique et culturel en direction de l’ensemble des acteurs de l’aménagement urbain, des décideurs mais aussi du grand public. La prise en compte des enjeux de développement durable conduit en effet majoritairement à des solutions situées à l’interface des savoirs et des organisations techniques conventionnelles. Elle nécessite donc un vrai effort de dialogue entre les métiers, de remise en cause des habitudes professionnelles et la capacité de définir des objectifs communs et partagés. L’aménagement de la ville est en effet une matière complexe, et donc nécessairement un sujet de compromis qui impose l’existence de cette culture commune, la définition de ces objectifs partagés susceptibles de concilier l’ensemble des contraintes propres à chaque discipline. Les changements nécessaires réclament, par ailleurs, davantage de capacité d’expertise et d’adaptation à la complexité de chaque situation : plutôt que le systématisme ou l’application automatique de règles ou de normes, il sera demain indispensable qu’un diagnostic précède chaque intervention. Les enjeux de formation professionnelle tant sur un axe d’expertise métier accrue, qu’en matière d’acquisition d’une culture transversale sont donc une vraie clé de réussite pour ces idées. Cette évolution des métiers n’est cependant pas suffisante, car un autre enjeu d’importance porte également sur la perception et l’acceptation de ces changements par les citadins. L’image de la nature en ville reste aujourd’hui encore très liée aux yeux des habitants des villes à l’idée d’ordre et de propreté. Cette vision qui fait écho à la tradition horticole d’entretien des jardins, ne doit pas être sous-estimée car elle constitue certainement un frein culturel important à l’acceptation de ces changements. Il ne s’agit pas pour autant de renoncer aux savoir-faires, ni aux traditions, mais de montrer comme l’a proposé le concept de “gestion différenciée” ou donné à voir les essais de “jardins en mouvement” que toutes les compositions végétales ont leur place en ville. L’image d’une végétation plus libre et diversifiée, plus naturelle et moins normée doit donc être expliquée afin d’être alors comprise puis admise. Le fonctionnement de cette “ville-nature” repose effectivement sur de nouveaux équilibres, mais aussi sur des changements individuels de pratiques et de comportements. L’implication plus généralisée des habitants dans la conception mais aussi la maintenance active de ces espaces de nature est ainsi une des conditions de réussite de ce modèle. Le défi est donc énorme, à la fois scientifique, technique et culturel, mais il est légitime car il propose une réponse pertinente et équilibrée aux différents enjeux du développement durable. L’avenir risque d’imposer une culture des choix différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. Au-delà des questions du beau, de l’utile ou du fonctionnel, transparait une autre alternative plus radicale : le dispensable et l’indispensable. La ville-nature doit donc intégrer son héritage historique et esthétique, approfondir sa liaison complexe et sensible avec la société, mais également valoriser sa fonction écologique nécessaire à l’équilibre de fonctionnement d’une ville durable. C’est la condition même de son indispensabilité.

Différencier verdissement et biodiversité

La biodiversité comprend une notion de complémentarité. Ainsi protéger ou introduire une seule espèce n’augmente en aucun cas la diversité. Le but est de créer un milieu riche et varié où les différentes espèces sont interdépendantes. Toute introduction doit être réfléchie, contrôlée, sous risque d’implanter une espèce envahissante, dangereuse ou invasive.

Maintenir la biodiversité en ville

Pour favoriser le développement de la faune et la flore en ville, il faut :
• Dresser un inventaire : relever et cartographier la biodiversité existante dans la commune.
• Mettre en place des bio-indicateurs urbains. Ces organismes, végétal ou animal, permettent de détecter la présence de polluants dans l’air, l’eau ou les sols ainsi que la variation des populations et des espèces.
• Etablir un schéma directeur pour la préservation de la biodiversité. A l’échelle de la ville, ce document présentera les mesures à court, moyen et long terme. • P rendre en compte la biodiversité dans les études d’impact, en amont de tout projet d’urbanisme.
• Intégrer la notion de biodiversité dans les constructions : favoriser les murs végétalisés, les toits plats adaptés à l’installation de jardins…
• Créer un service spécifique à l’échelle de la ville, de l’agglomération ou du département. Cette structure devra travailler de concert avec les services d’équipement, de l’eau, du climat...
• Organiser une éducation, une sensibilisation à la biodiversité dans les écoles ou les institutions.
• Inventer un système de label ou de prix pour encourager les efforts des personnes allant dans ce sens.

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