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Jouer, c’est la santé

10/02/2025
Une charte européenne de lutte contre l'obésité, promulguée par l'Organisation Mondiale de la Santé, a été signée par tous les gouvernements européens (au sens large). Ils ne reconnaissent pas seulement la question médicale, mais affirment que ce mal trouve son origine dans un style de vie déséquilibré. Ils s'engagent à faire le nécessaire pour prévenir cette maladie, notamment en aménageant le cadre de vie et du temps et des espaces de jeu.
Jouer, c’est la santé
Tous les gouvernements signataires s’accordent sur l’importance de pratiquer une activité physique en plus d’un programme de nutrition adapté. Bouger dans la ville, notamment sur les aires de jeux est une des réponses possibles. Le docteur Marie-Laure Frelut, qui a contribué à l’élaboration de la charte européenne de lutte contre l’obésité, nous livre des pistes de réflexion.
Les enfants compensent leur solitude par la télévision, le grignotage… voire pire.

Quelle est la situation en France ?

À l’échelle nationale, nous avons mis en place le programme Nutrition et Santé. On constate une stabilité d’ensemble des chiffres concernant l’obésité mais avec une grande hétérogénéité entre les différentes franges de la population. Dans certaines zones, la prévalence est en diminution. Mais dans les zones les moins favorisées, le phénomène n’est pas enrayé. Il faut poursuivre les efforts. Toute la population est concernée.

L’activité physique est-elle essentielle à ce programme ?

La seule façon de procurer une vie équilibrée aux enfants est de leur faire mettre le nez dehors, en complément d’une alimentation équilibrée. Il n’y a pas d’activité particulièrement recommandée, ni de temps de jeux minimum. Mais on estime que 2 à 3 heures par jour d’activités récréatives est un temps raisonnable, pas forcément en une seule fois mais par tranche de 20 minutes par exemple. Les temps de récréation sont très importants. Cela permet aux enfants de se défouler après avoir passé plusieurs heures statiques en salle de classe. Plutôt que de rentrer directement chez soi après l’école, il est conseillé de s’arrêter dans un parc ou une aire de jeux.

Le jeu a donc une action bénéfique sur la santé ?

Il faut intégrer le fait que le temps passé à jouer n’est pas du temps perdu. Le jeu est nécessaire, non seulement à la socialisation mais surtout, au développement psychomoteur, aux fonctions cardio-respiratoires, au développement des dépenses d’énergie, au rythme veille/ sommeil. Il est en effet indispensable de “fatiguer” les enfants dans la journée pour leur offrir un bon sommeil. On constate d’ailleurs que les enfants obèses dorment moins que les autres. Ils ne sont pas fatigués car ils ne bougent pas suffisamment. Du coup, le soir, au lieu de se coucher, ils traînent devant la télé. C’est déjà ce qu’ils font dans la journée. C’est un engrenage.

Jeu et santé

Une alimentation équilibrée et une activité physique quotidienne sont des facteurs essentiels à la santé et au développement des enfants. Aussi, les collectivités doivent proposer des activités recréatrices aux enfants car :
- jouer, c’est apprendre et ce n’est pas perdre son temps !
- jouer, c’est se fatiguer donc bien dormir
- jouer, c’est s’amuser et c’est différent d’une compétition sportive
- jouer, c’est se dépenser donc lutter contre l’obésité.

L’activité physique sur les aires de jeux est-elle suffisante ?

Les aires de jeux sont bien conçues pour l’activité physique des enfants. On ne leur demande pas d’avoir une activité physique intense de type sportive. Le sport à proprement parler concerne les plus grands, les adolescents. Dans le sport, il y a la notion de compétition. Les enfants n’ont pas toujours envie de compétition. L’étape intermédiaire entre le jeu spontané et le sport est très importante. Il faut d’abord apprendre aux enfants à vivre ensemble, à jouer et à se dépenser. Le sport vient par la suite. D’ailleurs, tous les enfants ne sont pas faits pour la compétition. Il y a là une contrainte et une obligation de résultats qui peut freiner certains. Si un enfant n’a pas le goût de l’activité physique, il ne se tournera jamais vers le sport. Il faut donc privilégier l’étape intermédiaire. C’est en partie le rôle des collectivités. Ces dernières doivent offrir des espaces adaptés, sécurisés pour permettre la pratique d’une activité physique par le jeu.

On voit pourtant peu d’enfants ronds sur les aires de jeux ?

Si on voit très peu d’enfants ronds sur les aires de jeux, ce n’est pas parce que celles-ci sont inadaptées, c’est parce que les enfants ne veulent pas y aller par peur des moqueries. Ils n’ont pas besoin d’installations particulières. Le problème c’est que le surpoids va les gêner dans l’activité physique, ils vont avoir du mal à effectuer certains mouvements et à en acquérir de nouveaux. Bien souvent, cela ne fait pas partie du style de vie de leurs familles.
La structure Sutcliffe, la balançoire et le mégaphone sont accessibles à tous les enfants handicapés ou souffrant d’une déficience.

Il faut donner le goût de l’activité physique par le jeu ?

Cela se joue dès tout petit. L’enfance construit le reste de la vie, les fondations sont très importantes. On ne découvre pas des habitudes à l’âge adulte. Un enfant qui n’est pas dynamique aura beaucoup de mal à le devenir à l’âge adulte.

Comment expliquer le peu d’activité physique chez les enfants ?

Bien souvent ce n’est pas du fait des enfants. Si on les laissait faire, ils seraient dehors tout le temps. Mais les parents ne prennent plus le temps. Ils ne s’adaptent pas au rythme de l’enfant. C’est l’enfant qui doit s’adapter au rythme de ses parents. Cela est d’autant plus vrai dans les milieux moins favorisés où des difficultés économiques et sociales compliquent la situation. Une étude nationale montre que dès 3 ans, le temps d’activité physique est inversement proportionnel à l’activité socio professionnelle des parents. En clair, plus une famille est aisée, plus elle parvient à organiser sa vie en fonction du rythme de vie de l’enfant. On constate aujourd’hui que les enfants sont très solitaires. On a tendance à sous-estimer cette solitude. Ils compensent par la télévision, le grignotage et les plus grands par d’autres formes d’excès. Il faut apprendre à vivre ensemble, réellement.

Un espace de jeux pour tous

Ville pilote dans sa politique d’intégration des handicaps au quotidien, Colomiers a introduit dans sa dernière aire de jeux, implantée dans le quartier Naspe, la volonté d’offrir un espace de jeux accessibles à tous, et notamment aux enfants déficients visuellement ou physiquement. Cet espace de jeux d’ampleur, par son étendue - 450 m2 - et par son ambition - une accessibilité à tous sans exception -, a l’ambition d’être un espace de rencontre et de détente familiale où les enfants pourront évoluer accompagnés. Tous les jeux Inclusive, particulièrement ludiques, ont été conçus pour que tous les enfants puissent jouer ensemble sur la plus grande partie du jeu, y compris les enfants malvoyants ou en fauteuil roulant qui peuvent ainsi quitter leur fauteuil et découvrir en pleine autonomie les joies du jeu.

Justement, comment inciter les enfants à bouger plus ?

Les enfants n’ont pas besoin de mode d’emploi pour jouer. C’est aux adultes de préserver et construire le rythme de vie propre aux enfants, même si cela est souvent relégué au second plan. L’obésité est un problème de santé publique. Il est du devoir des collectivités locales de proposer des lieux d’activités gratuites et spontanées aux enfants. Il faut développer des espaces aménagés et suffisamment grands pour leur permettre de se défouler. Ce peut être des aires de jeux, avec des modules, des balançoires, des toboggans, des maisonnettes… Il n’en faut pas plus. Par contre, il est indispensable de prévoir un espace autour. Il ne faut pas les enfermer dans 10 m2, mais leur proposer des alternatives avec un espace pour jouer autour. Des jeux intemporels comme la marelle, le ballon, “le chat perché”, etc, procurent une dépense d’énergie suffisante pour leur âge. A travers ces jeux, ils vont courir, sauter et apprendre à vivre en société. Il est important que les enfants s’amusent et se retrouvent entre eux. Il faut que ces lieux soient accessibles sur le temps de congé scolaire pour éviter les vacances catastrophes, pendant lesquelles les enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes, biens souvent devant la télé ou l’ordinateur…
Les aires de jeux (ici l’aire de jeux ‘les rascas’) servent aussi à l’organisation de ‘fêtes’ par les instituteurs ou les assistantes maternelles, « […] une formidable occasion, pour la population, de se réapproprier l’espace communal ».

Les structures proposées sont-elles suffisantes ?

Le problème, ce ne sont pas les aires de jeux. Elles sont en général assez nombreuses. Mais elles ne sont pas suffisamment exploitées par les parents. En ville, à l’école primaire, on ne voit pas d’enfants jouer ensemble en dehors des écoles. Les parents sont réticents à les laisser jouer dans les cours des immeubles. Il faut certes des lieux sécurisés et organisés pour les plus jeunes. Mais il faut aussi redonner une place à l’enfant en ville. Elle n’est pas qu’un lieu pour adultes pressés. De plus en plus de familles habitent en appartement, dans les villes, les parcs et les aires de jeux remplacent donc les jardins. Il n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui, d’offrir aux enfants des lieux où ils peuvent s’amuser de tout leur saoul. Il faudrait peutêtre mettre en place des structures comme des associations de mères de familles qui emmèneraient à tour de rôle les enfants jouer.

Le surpoids chez l’enfant en chiffres

En Europe, 25% des jeunes sont en surpoids ou obèses. Ce nombre augmente de 400 000 par an. Toujours selon l’association internationale pour l’étude de l’obésité, en France, environ 18% des jeunes de 7 à 9 ans sont en surpoids. Et 3 à 4 % sont obèses !

Comment se positionne la France par rapport à ses voisins européens par rapport à l’activité physique des enfants ?

La France est dans une situation médiane. La situation est très nettement améliorable, mais meilleure que dans d’autres pays. En Italie, par exemple, il n’y a pas du tout d’activité physique à l’école. Au contraire, en Norvège, la pratique sportive est très favorisée. S’il neige, l’instituteur peut décider de sortir pour une balade à ski. Cela fait partie du rythme de vie. C’est à nous de donner les moyens aux enfants pour se sortir de cette situation afin d’éviter que le phénomène ne s’amplifie. Le programme national “Nutrition Santé” y contribue. Mais pour une réussite totale, il faut que tous les acteurs (instituteurs, maires….) se sentent concernés.

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