Durant ces dernières années, nous avons pris conscience de l’importance de la végétation en milieu urbain. Véritable bouffée d’oxygène, refuge de biodiversité, purificateur d’air… On ne compte plus les vertus de l’arbre qui a aujourd’hui retrouvé toute sa place en ville. Mais, celui-ci a besoin de conditions particulières pour croître de façon optimale, conditions qui ne sont pas toujours offertes par la vie citadine. Ainsi, sous les effets du piétinement et de la pluie, la terre a tendance à se compacter autour du tronc, ce qui est néfaste à un bon développement de l’arbre. En outre, d’un point de vue esthétique, un enchevêtrement de mauvaises herbes dans cet espace n’est pas apprécié non plus. Pour toutes ces raisons, on cherche à recouvrir le pourtour du tronc d’un matériau pouvant éviter ces désagréments. Paillage à l’aide de copeaux de bois, de sciure, coques de cacao, paillage en fibre végétale… Diverses solutions ont été développées. L’utilisation de plantes couvre-sol est l’une d’entre elles. Utilisée pour la première fois il y a plus de 20 ans, cette solution est de plus en plus retenue par les collectivités.

L’Hyperium olympicum, millepertuis du Mont Olympe est une plante couvre-sol très esthétique.
Une méthode naturelle et efficace
Cette technique présente d’abord un intérêt certain pour l’arbre. Elle empêche ainsi le piétinement du pourtour du tronc et donc la compaction de la terre, ce qui n’est pas le cas d’autres matériaux utilisés couramment comme l’écorce. En effet, les gens marcheront facilement sur un sol d’écorce, alors qu’ils auront souvent moins tendance à s’aventurer sur un sol planté. Une fois tassé, un sol ne pourra plus permettre les échanges gazeux entre les racines et l’atmosphère, ce qui peut conduire à une asphyxie de l’arbre. Les plantes couvre-sol, en piégeant les feuilles, fruits, brindilles arrivant à leur surface, va en plus favoriser la formation d’un humus, matière organique nécessaire à la nutrition des arbres. Recouvert d’un tapis végétal, le sol au pied d’un arbre présentera des caractéristiques proches d’un sol de sous-bois. En outre, le sol sera mieux alimenté en eau une fois végétalisé, que recouvert d’un bitume imperméable. Les plantes couvre-sol présentent aussi des avantages d’un point de vue esthétique et économique : comme les autres techniques de recouvrement des sols, elles empêchent la pousse de plantes indésirables, et réduisent donc le nombre d’opérations de désherbage et l’utilisation de désherbants. Cette technique offre, de plus, un petit tapis végétal souvent apprécié esthétiquement. En outre, elle sera beaucoup moins gourmande en eau que d’autres méthodes comme le gazon. Enfin, un tapis végétal forme une sorte de gaine qui protège le pied de l’arbre des chocs liés à l’utilisation d’outils de fauche ou aux véhicules. Il est évident qu’un tapis végétal coûtera plus cher au départ qu’un paillage à l’aide de copeaux de bois par exemple. Mais le prix initial reste quand même très faible. En moyenne, 5 à 7 plants seront installés au mètre carré soit environ 15 à 20 plants au pied d’un arbre, chacun coûtant moins d’un euro… De plus, il faut prendre en compte le fait que cette technique est durable, contrairement à un tapis d’écorce par exemple qui doit être renouvelé après 4 à 5 ans.Réussir ses plantations
Il est conseillé d’installer les plantes couvre-sol en même temps que l’arbre, afin de profiter d’un sol bien préparé et exempt d’adventices. La densité de plantation conseillée par le fournisseur peut être adaptée selon le budget disponible et la rapidité avec laquelle on souhaite obtenir un couvert végétal total. Il est préférable de planter certains végétaux comme les lierres en pots ou en conteneurs. Cela leur permet de mieux résister à la sécheresse. Selon que l’on veut un effet immédiat ou différé d’un an, il est possible de crocheter les lierres (pose d’épingles pour obtenir un marcottage forcé), ou au contraire tailler très court au collet pour avoir une pousse plus rigoureuse.
La pervenche Vinca acutiloba est très résistante à la sécheresse.
Des plantes adaptées
Pour remplir correctement leur rôle de couvre-sol, les plantes choisies doivent posséder certaines caractéristiques. Elles doivent tout d’abord être capables de se développer dans des conditions particulières : le feuillage de l’arbre empêche la plante de recevoir toute la lumière du soleil, et capture aussi une grande partie de l’eau de pluie. L’humidité du sol est également utilisée en grande partie par l’arbre. Les végétaux utilisés doivent donc pouvoir résister aux hautes températures et à la sécheresse. Il est en outre nécessaire qu’elles colonisent vite le milieu, mais ne grimpent pas pour autant sur le tronc de l’arbre, ce qui est le cas de nombreuses espèces de lierres. Elles doivent également être résistantes aux maladies pour que l’entretien soit vraiment minimal. Les espèces choisies doivent être capables de s’autoréguler très vite pour que la plantation soit durable.Des essais concluants à Rennes
À Rennes, les premiers essais de plantes couvre-sol au pied des arbres ont été réalisés il y a une dizaine d’années. Une seule méthode n’a pas été étendue à l’ensemble du territoire, les installations ont plutôt été réalisées au cas par cas. “Nous avons testé des vivaces comme les achillées ou de petits géraniums et aussi de petites graminées comme Pennisetum” raconte Christian Aubrée, responsable de l’unité maintenance et travaux neufs du service exploitation des espaces verts de Rennes. Là où les sols n’ont pas été dégradés ou piétinés, les résultats ont été dans l’ensemble concluants. Pour Christian Aubrée, l’étape la plus délicate est d’arriver à faire prendre les plantes. Il conseille ainsi un arrosage lors de la plantation. Durant les premières années, le service Espaces Verts installe un paillage pour garder une certaine humidité. Une fois le sol recouvert par la végétation, ce paillage devient inutile. Au niveau de l’entretien, les mauvaises herbes sont enlevées régulièrement, et des tailles sont effectuées entre février et mars pour faire repartir la végétation. De petites barrières de protection sont parfois installées dans les zones très fréquentées pour éviter le piétinement. En ce qui concerne le substrat, l’équipe rennaise a fait plusieurs essais avant de trouver l’épaisseur nécessaire à chaque plante. “L’avantage lorsque l’on travaille avec des végétaux est que l’on peut faire des essais, avancer par tâtonnement” explique Christian Aubrée. “En tout cas, aujourd’hui, il ne nous viendrait plus à l’idée d’enlever la végétation au pied d’un arbre comme cela se faisait autrefois” conclut-il.
Le géranium de la variété ‘Spessart’ a de jolies fleurs blanc rose.
Lierre et Géranium en vedette
La pépinière du Buyet conseille l’utilisation de deux espèces particulièrement, espèces qui ont su faire leurs preuves au cours du temps. Première d’entre elles : le lierre Hedera Algerian Bellecour. Il fut révélé par un architecte habitant la place Bellecour à Lyon, lieu célèbre d’où il tient son nom. Il a été utilisé pour la première fois comme plante couvre- sol il y a 20 ans, lorsqu’on l’a planté au pied de 150 arbres à Saint Chamond (42). Il est aujourd’hui très utilisé dans la région lyonnaise mais aussi dans d’autres villes de France comme à Troyes. Résistant au sec, il a la particularité de ne pas grimper le long des troncs, et aussi de déplaire aux chiens pour leurs besoins naturels. Il a de larges feuilles vert foncé à trois lobes arrondis, et ses nouvelles pousses sont plus claires. Hedera est persistant d’avril à janvier et ne nécessite aucun engrais. Aussi à l’aise au soleil qu’à l’ombre ou à la pénombre, il n’est pas exigeant quant à la nature du sol. Il est très résistant aux maladies et parasites ainsi qu’à la poussière et pollution des villes. Quatre plants par mètre carré seront suffisants pour tapisser le sol. Une taille à l’automne est recommandée si le lierre sort de son cadre. Le géranium vivace fait aussi partie des favoris de la pépinière du Buyet : un peu plus long à s’installer que le lierre, il permet de varier les essences. Il ne nécessite pas de taille obligatoire mais demande un arrosage juste après son installation. La variété “Cambridge” est assez compacte. Elle s’étale lentement par stolons et produit des cymes de fleurs dans les tons roses, mauves ou blancs. Ses feuilles prennent de belles teintes automnales. Le Geranium macrorhizum “Ingwersen” s’étoffe de fleurs rose violet, alors que celles offertes par la variété “Spessart” sont plutôt dans les tons blancs roses. “Nous possédons une expérience de plusieurs années par rapport au lierre Algerian Bellecour et au géranium vivace» explique Jean Jacques Bouchut, directeur de la pépinière du Buyet dans la Loire, «mais d’autres espèces sont aujourd’hui à l’essai.” Un entretien minimal
L’un des objectifs de cette technique de végétalisation est d’entraîner un entretien minimal. Planter des végétaux couvre-sol plutôt que du gazon permet par exemple de s’affranchir des tontes notamment dans des endroits peu accessibles. De plus, cette méthode est pérenne, contrairement à un matériau type écorce qu’il faudra recharger fréquemment. En ce qui concerne le paillage, celui-ci est en général, quand même nécessaire au départ, pour retenir l’humidité du sol et empêcher que les adventices ne prennent le pas sur les plantes couvre-sol encore jeunes. Un désherbage léger doit être effectué les deux premières années. Quand les plantes sont adultes, l’entretien est réduit au minimum : une fois par an, il est nécessaire d’effectuer une taille de contrôle sur les végétaux de manière à les maintenir dans la zone souhaitée. Un rabattage tous les deux ans à une vingtaine de centimètres a le mérite de régénérer les vivaces un peu étalées comme les pervenches. Afin de renouveler régulièrement l’humus du sol, il est utile de prévoir, tous les ans ou tous les deux ans, un apport léger de mulch à décomposition rapide, type mulch de peuplier, enrichi en compost qui accélère le processus de compostage. Certains végétaux comme les épineux peuvent emprisonner des détritus, dans ce cas, un nettoyage régulier sera nécessaire. Aujourd’hui, certaines villes proposent aux riverains volontaires de prendre en charge les plantations et l’entretien au pied des arbres.
Des iris comme à Bourges.
Varier les essences
D’autres espèces sont aujourd’hui utilisées comme couvre-sols au pied des arbres. Les pervenches Vinca sont des fleurs couvre-sol naturelles qui colonisent de grands espaces dans de nombreuses régions. Ces plantes aux petites fleurs mauves peuvent donc aussi être plantées au pied des arbres. Parmi toutes les variétés, on retiendra la pervenche Vinca acutiloba aussi appelée Oxyloba, Major hirsuta, Difformis etc... Plus rustique et beaucoup plus vigoureuse que Vinca minor, elle a l’avantage d’être très résistante surtout à la sécheresse. Hypericum olympicum, le millepertuis du mont Olympe peut aussi être usité. Structuré en touffes compactes et arrondies de 20 cm de hauteur environ avec de petites feuilles allongées, ce végétal se pare de mai à juillet de délicates fleurs jaune d’or. À Rennes, de petites achillées ont été installées au pied des arbres, pour des résultats plutôt concluants. Plus au sud, à Montpellier, le thym et le romarin sont parfois utilisés, de même que des iris.