Les quelques heures ou quelques jours qui seront accordés à la réalisation de la fosse et à la mise en place de l’arbre détermineront les années à venir. Un bon développement, c’est-à-dire une bonne alimentation des racines en eau et en sels minéraux mais aussi une belle tenue, un tronc à la verticale et un positionnement harmonieux dans le paysage ou dans l’alignement, seront le résultat d’une plantation réfléchie en amont et réalisée dans les règles de l’art, dans le respect de la plante. Michel Le Borgne, des pépinières Drappier, producteur de gros sujets, déroule pour nous les neuf étapes essentielles au bon déroulement de l’opération et ajoute quelques recommandations. Un arbre est élevé en pépinière pendant des mois, voire des années. S’il est mal planté, tout est gâché. Et comme l’explique Michel Le Borgne, producteur de gros sujets et de topiaires à Lecelles (59), c’est à ce moment clef de sa vie, à “l’adolescence”, qu’il doit être planté correctement pour être en pleine forme et beau à sa maturité. Ce professionnel expose volontiers la technique à adopter “pour réussir une plantation du premier coup, à tous les coups et à moindre coût” : “on n’a pas deux occasions de bien planter un arbre”. Si l’on s’y reprend à deux fois on risque de l’abîmer, on perd du temps et de l’argent. Voici les 9 étapes essentielles de la plantation en tant que telle. Conseils que l’on risque d’oublier lorsque le projet de plantation est un peu hâtif, ou les délais de réalisation trop courts. Suivront quelques recommandations très utiles, de bon sens.
Réaliser une fosse de plantation puis l’ouvrir
“C’est le secret d’une plantation réussie. Et c’est d’ailleurs ce qui coûte le plus cher”, explique Michel Le Borgne. Et ce professionnel regrette que cette étape ne soit bien souvent pas prévue lors de plantation sur voirie, sauf en cas de mélange terre-pierre. «La partie aérienne donne une bonne idée de la partie souterraine de l’arbre». Pour un arbre commun, une fosse fait environ deux mètres sur deux et 1,25 mètre de hauteur. Une bonne fosse de plantation est carrée, avec un fond horizontal et plat. On l’ouvre de 1,7 à 2 fois de diamètre de la motte (ce qui permet de redresser un arbre haut sans l’abîmer en y faisant pivoter les racines, ou encore d’y descendre pour caler l’arbre…). La profondeur de la fosse doit quant à elle être inférieure de 5 à 10 % de la hauteur de la motte. Car la terre va se tasser et donc la plante s’enfoncer encore un peu. Et il ne faut pas oublier qu’une fois la fosse comblée, le collet doit être apparent, une fois la fosse comblée. En effet, on plante un arbre et on ne l’enterre pas ! Une grande fosse est nécessaire au développement de l’arbre, en effet, n’oubliez jamais que la partie souterraine de l’arbre est en proportion de son volume aérien. Le fond de la fosse doit permettre les échanges : l’eau d’arrosage ou de pluie ne doit pas stagner au fond de la fosse, et les racines de l’arbre doivent coloniser le sous-sol pour aller capter les eaux souterraines.Une plantation qui tourne mal !
• L ’ouverture de la fosse est trop profonde : le collet de la plante est enterré, il va pourrir et la plante dépérir !
• L ’ouverture de la fosse est trop étroite : il sera impossible de caler facilement et efficacement la motte. Il peut subsister des cavités sous la motte et les racines vont pourrir !
• Les fosses de plantations sont remplies avant d’avoir vérifié le parfait alignement des arbres et le résultat est inesthétique !
• La terre est tassée dans la fosse de plantation : l’eau ne pénètre pas donc l’arbre n’est pas arrosé, il se produit des fermentations anaérobies puisque l’air ne circule pas non plus !
• Le fond de la fosse ne permet pas le passage de l’eau. L’eau d’arrosage stagnera dans la fosse. Et les racines ne pourront pas aller puiser dans le sol naturel l’eau et les sels minéraux nécessaires au développement de l’arbre.Transporter la plante jusqu’à la fosse
Avant de planter un ensemble d’arbres, il est recommandé d’ouvrir toutes les fosses. Chacune selon la profondeur et la largeur de la motte de l’arbre qu’elle doit accueillir. Ensuite on décharge les arbres. Pour que cette opération ne soit pas un casse-tête ou un désastre pour les arbres, elle doit être préparée en amont. Il faut, d’une part, préparer ce déchargement, c’est-à-dire posséder l’engin approprié pour le faire. Et d’autre part, disposer du matériel indispensable pour saisir l’arbre (pinces, crochets…) .Protéger la plante
Lorsque l’arbre est à terre, à l’horizontal, il ne faut pas oublier de protéger le tronc et les branches avec des bottes de paille par exemple. Puis il faut en profiter pour délier le houppier (si l’arbre est très haut, cette opération s’avère vite difficile à la verticale !).
Relever les plants avant de les caler
Fosse par fosse, on redresse ensuite tous les arbres, en les disposant là où ils doivent se trouver. “Une fois à la bonne place, il faut le caler pardessous et uniquement par-dessous, avec de la terre”. Michel Le Borgne insiste sur ce point. On tire alors sur l’arbre et l’on dispose la terre sous le côté opposé à celui où il est tombé, ceci afin qu’il tienne droit naturellement, grâce à cette cale en terre. Rien ne doit être ajouté autour de la motte. Cette technique permet encore de bouger l’arbre s’il n’est pas au bon endroit ou pas dans l’alignement, par exemple. Notons qu’il n’est pas nécessaire d’ôter la toile de jute ou le grillage qui se trouvent autour de la motte.
Après avoir redressé l’arbre et l’avoir placé dans son alignement, la motte est calée en jetant de la terre en dessous.
Prendre le temps de les caler une seconde fois
Une fois tous les arbres calés, il est bon de laisser passer quelques jours, voire quelques semaines (l’arbre ne craint rien, même pendant trois semaines, il suffit de l’arroser le cas échéant). Alors les mottes ont souvent bougé, la terre s’est tassée sous le poids de l’arbre. Il est alors temps d’ajouter à nouveau de la terre par le dessous. “Dans ce cas-là, heureusement que l’on n’a pas mis de terre autour !”, renchérit Michel Le Borgne. “Jusqu’à ce que chaque arbre tienne debout tout seul, sans tuteur et sans terre autour, cette opération doit être répétée. Mais il semblerait que deux calages soient généralement suffisants”.Jeter de la terre autour de la motte
Pour terminer, il suffit de jeter de la terre autour de la motte pour combler le trou. “Mais attention, il ne faut jamais tasser, ni au godet, ni au pied. La terre se tasse toute seule. Il faut donc en mettre de trop”. Un sol tassé et compacté n’absorbe pas l’eau. Quand on arrose, ne pas oublier que seule l’eau située au-dessus de la motte percole dans la motte et irrigue les racines. La fosse doit être remplie de bonne terre comportant de l’humus et moins de 30 % d’argile. Ceci afin de permettre une bonne circulation de l’eau du haut vers le bas lors d’arrosages et de d’écoulements de la pluie mais aussi du sol naturel vers les racines pour les alimenter en eau et en sels minéraux. L’arbre est planté ; il faut maintenant achever son installation. Mais l’essentiel est fait, rien ne pourra plus le redresser ou améliorer sa partie souterraine. Les étapes suivantes sont appelées à rendre son démarrage et son évolution plus certains.
Installer un tuteur ou une sangle
Le choix entre la sangle ou le tuteur est purement une question d’esthétique. “Ceci ne redresse rien ! Si l’arbre est mal planté, il restera tordu. Si l’erreur est “récupérée” ainsi, au premier coup de vent quelque chose craquera et à la première occasion, l’arbre se penchera dans la position où il a été planté” poursuit Michel Le Borgne.Concevoir une cuvette au-dessus de la motte
La réalisation d’une montagne circulaire autour de l’arbre permettra à l’eau de se diriger vers la motte, et non pas dans la terre qui entoure la motte. Ainsi, les racines seront assurées d’être alimentées en eau, avant même que la terre ajoutée autour de l’arbre et celle de la motte ne commencent à se mélanger. Le sommet de la cuvette doit être en aplomb du bord de la motte pour que ce système de drainage fonctionne.
Protéger le tronc du soleil
Essentielle, la première année pour tous les arbres, la protection du tronc est impérative pour certaines espèces : fagus, marronniers, magnolias caducs… Il est en effet souhaitable de protéger le tronc du soleil du Sud-Ouest. Le tronc est vulnérable car l’activité de la sève n’est pas encore très active. La toile de jute, la canisse en bambou, par exemple, sont efficaces si elles sont installées sur deux mètres du fût qui n’est pas protégé par les branches. Pour Michel Le Borgne, ces 9 étapes sont les garanties d’une plantation réussie, du point de vue technique. C’est le moment essentiel même s’il est le plus court dans la vie d’un arbre, celui entre la pépinière et le sol qui l’accueillera pour toujours, pour des dizaines d’années en général. Ce moment où tout se joue concrètement pour lui, et qui déterminera s’il prendra et s’il sera droit ou plutôt moribond ou tordu !Trois erreurs à éviter
Mais pour ce spécialiste, trois recommandations concernant l’amont et l’aval de ce geste technique, semblent très importantes pour l’avenir des plants chez leur nouveau propriétaire. “Trois erreurs irrémédiables doivent être évitées pour que l’arbre soit bien vivant et mis en valeur dans le paysage qui l’accueille”.
• La plantation doit être le fruit d’une concertation intelligente avec les consommateurs finaux. Les personnes responsables de la plantation, pépiniériste, architecte et client final doivent être d’accord depuis longtemps sur l’usage qui
• arbres en ville Horticulture et paysage éditions va être fait de l’arbre. Un arbre en ville doit avoir une place définie, une hauteur prévue, une utilité (ombrage, agrément…), etc. Tout ceci doit permettre de déterminer quel type de plant sera choisi selon ses qualités, de déterminer aussi les budgets qui lui seront alloués selon la taille qui doit être faite, l’entretien que l’espèce exige, les moyens à déployer pour le planter, la durée de la plantation…
• Le choix de l’entreprise qui plantera les arbres doit être rigoureux. “Pour s’assurer d’une prestation efficace, le client doit se renseigner sur les qualifications et les références des prestataires possibles”. Il doit se poser les questions suivantes : l’entreprise la moins-disante offrira-t-elle toutes les garanties et est-ce que l’entreprise a validé toutes les lignes du cahier des charges… Il faut d’ailleurs veiller à établir un cahier des charges très complet, prenant en compte qu’“il s’agit là de patrimoine, pas de mobilier urbain !”, ajoute Michel Le Borgne ! Selon ce dernier, “la filière paysage doit mieux s’organiser» et définir les principes suivants : l’entreprise doit avoir les qualifications requises. «Il devrait y avoir une qualification spécifique à la plantation d’arbres”, selon Michel Le Borgne ; “les entreprises de travaux publics ne sont pas des entreprises de paysage ; et la sous-traitance du lot “plantation” ne devrait pas être admise”.
• Pour terminer, un contrôle sérieux de la qualité de la plantation, soit par un organisme, soit par le client et le fournisseur, doit avoir lieu : à la plantation, au printemps suivant et un ou deux ans après la plantation. Ceci lierait les deux parties dans un même objectif : faire vivre les arbres et les mettre en valeur dans le cadre qui leur a été imparti. Si toutes ces recommandations étaient respectées, toutes les entrées de villes, tous les parcs, tous les bords de route, tous les centresvilles et aires d’agrément seraient un lieu d’épanouissement des végétaux et un régal pour les yeux des passants. Ce n’est pas toujours le cas, car les délais d’aménagement des chantiers sont courts, les spécialistes ne sont pas toujours consultés ou le sont trop tard dans le déroulement des chantiers et des projets. Ce qui est dommageable car, comme le dit si bien Michel Le Borgne, “la valeur des arbres est triple : esthétique, patrimoniale et fonctionnelle (ils filtrent l’air que nous respirons entre autres !). Il faut donc en planter beaucoup et avec art”, pour que nos enfants retrouvent les joies de la nature en ville sachant que certains n’ont que peu d’occasions de se rendre à la campagne.