L'arbre en milieu urbain est soumis à de très fortes contraintes liées au sol: pollution (sel de déneigement, ammoniac, hydrocarbure), manque d’éléments nutritifs, présence de nombreux réseaux (eau, gaz, électricité, téléphone), imperméabilisation des sols… mais aussi compaction des sols. Celle-ci survient souvent quand le sol est fragile (très argileux ou très limoneux) et sujet au piétinement et au passage de véhicules. En conditions normales, un sol présente des pores qui vont permettre une bonne circulation d’eau et d’air. “Dans un sol tassé, au contraire, la microporosité du sol sera fortement altérée. Privé de ces deux éléments essentiels à sa croissance, le système racinaire de l’arbre ne pourra se développer correctement” explique Claire Atger, du bureau d’études Pousse-conseil (34). La compaction du sol est l’un des plus gros problèmes auxquels doivent aujourd’hui faire face les gestionnaires d’espaces verts.
Les mélanges terre-pierres
Une des solutions développée pour s’affranchir de ce problème consiste en l’utilisation d’un mélange particulier pour combler la fosse de plantation. Développée il y a un quart de siècle, cette méthode consiste en l’ajout de pierres dans la terre végétale, ce qui va former un mélange incompressible. La terre va s’immiscer dans le système lacunaire formé par les pierres, et va permettre au système racinaire en plus d’un ancrage rapide, de trouver un milieu favorable à son développement : éléments nutritifs, air et eau. Le mélange terre-pierres utilisé aujourd’hui se compose le plus souvent de deux volumes de pierres constituant la charpente, l’ossature mécanique du substrat, pour un volume de terre végétale, qui peut être associée à des amendements et une fumure. La granulométrie des pierres devra être comprise entre 40 et 90 mm. En plus de lutter contre la compaction du sol, et de permettre un ancrage rapide du système racinaire, cette technique entraîne une économie de terre non négligeable. Elle est donc particulièrement préconisée dans les zones où la terre de bonne qualité se fait rare. Mais sa mise en oeuvre est tout de même assez délicate. Un mélange mal réalisé peut conduire à une macroporosité beaucoup trop importante, laissant les racines “à l’air”. Les “ingrédients” doivent être stockés au sec, et le mélange réalisé dans les mêmes conditions pour offrir un résultat homogène, c’est pourquoi il est préférable d’opérer en été. Le mélange devra aussi être fait sur le chantier, car un transport le désolidariserait. Il doit ensuite être déposé au fond de la fosse en couches successives d’une trentaine de centimètres d’épaisseur, avec un compactage de chaque couche par un système non vibrant. Par la suite, une réservation est effectuée dans la fosse, remplie de sable siliceux, et ses parois sont décompactées. Sa taille doit être proportionnelle à celle de la motte tout en restant modeste. Cette réservation de sable va servir de support mécanique à tous les travaux de terrassement de voirie. Le sable va être remplacé par de la terre végétale amendée au moment de la plantation ce qui va permettre de conserver une terre végétale de qualité non abîmée par les travaux de voirie en empêchant les risques d’effondrement autour du trou de plantation. “Le revêtement de surface de la fosse doit impérativement être poreux pour permettre la pénétration de l’eau et de l’air, sans quoi le système racinaire risque de ne pouvoir plonger en profondeur” rajoute Philippe Blanco, de la direction des parcs et jardins de la ville d’Angers. Pour Marc Staszewski, chargé d’opérations au secteur arboriculture du Val-de-Marne, cette technique n’est pas aussi écologique qu’on pourrait le penser. “L’arrosage doit être fractionné car le substrat terre-pierres retient beaucoup moins l’eau qu’une terre simple d’où des coûts de main d’oeuvre supplémentaires.. En plus, les pierres utilisées sont souvent de la pouzzolane ou du granite provenant du massif central et du massif armoricain.” Des recherches ont été effectuées pour tenter de trouver d’autres matériaux pouvant être utilisés comme des agrégats de recyclage. Le béton a été testé, mais a donné de mauvais résultats car il a tendance à se désagréger et à modifier les paramètres du sol. La ville de Paris devrait prochainement rendre les résultats d’expériences menées sur d’autres matériaux.Angers , ville précurseur
“Le mélange terre-pierres est né à Angers, il y a 25 ans, fruit de la collaboration entre l’INRA d’Angers pour la partie agronomique, le laboratoire des Ponts et Chaussées d’Angers/ Les Ponts de Cé pour la partie mécanique et la direction des parcs et jardins de la ville d’Angers” raconte Philippe Blanco, de la direction des parcs et jardins de la ville d’Angers. L’objectif ? Rendre accessible aux usagers, piétons comme véhicules, la zone d’emprise des fosses de plantation, en évitant le compactage du sol. Sans cesse améliorée au cours de ces 25 années, la technique est aujourd’hui généralisée dans la ville. Ainsi, 7 000 arbres sont plantés en mélange terre-pierres, pour un bilan global très positif. La réflexion sur la technique se poursuit, notamment par rapport au dimensionnement des fosses selon les espèces plantées et sur la création de surfaces enherbées.
La «recette» du mélange terrepierres utilisé à Angers : deux volumes de pierres concassées diamètre 40 à 90 mm ; minéralogie adaptée en fonction de « l’écologie » de l’arbre (calcédoine, calcaire dur, pouzzolane) pour un volume de terre végétale amendée.
La dalle de répartition
Certains, préfèrent une autre technique pour lutter contre la compaction du sol : la dalle de répartition. Cette solution permettrait de répondre aux mêmes objectifs, tout en étant beaucoup moins difficile à mettre en oeuvre. Le principe de mise en place est le suivant : après un décaissement de la fosse aux dimensions souhaitées, ses pourtours sont creusés sur une largeur de 20 à 30 cm et 20 cm de profondeur. Après avoir été comblée de terre végétale, la fosse est arrosée à refus puis recouverte d’un géotextile pour protéger la terre végétale. Un coffrage est ensuite effectué sur le géotextile. Les bordures vont être scellées en même temps que la dalle est coulée, évitant ainsi la pose de solins. Une fois la dalle sèche, le coffrage est supprimé et le géotextile découpé. La dalle de répartition est solidaire de l’encadrement de la fosse et repose sur le fond de forme du trottoir. La dalle de répartition a l’avantage de protéger les racines contre d’éventuelles agressions telles que les terrassement de tranchées sur trottoir, car la dalle en béton armé constitue un obstacle plutôt dissuasif ! Cette technique peut néanmoins s’avérer plus coûteuse que le mélange terrepierres, dans les régions où les matériaux sont plus disponibles, donc moins chers. En outre d’après Claire Atger, elle constitue une surface perméable au-dessus des racines. “Finalement, pour ces deux techniques, l’une économise la ressource en pierre, l’autre la ressource en terre” conclut Marc Staszewski. Ces deux techniques ne doivent pas être opposées, mais le choix doit être fait en fonction du contexte local. Dans le Val-de-Marne, lorsque le projet d’aménagement prévoit un stationnement entre les arbres, le département choisit la dalle de répartition. Dans le cas contraire, c’est la technique du mélange terre-pierres qui lui est préférée.