Il y a quelques décennies, pour la plupart des acteurs des espaces verts, fleurissement rimait essentiellement avec oeillets d’Inde et bégonias. Une gamme sans cesse plus étoffée de plantes annuelles, bisannuelles et vivaces est venue progressivement bouleverser la donne. La restriction de l’arrosage et la réduction des budgets viennent encore changer quelque peu les habitudes et, dorénavant, de nombreuses collectivités n’hésitent plus à imaginer le fleurissement comme une association la plus harmonieuse possible de tous types de végétaux. Longtemps considérés comme secondaires pour le fleurissement, les arbustes en sont maintenant devenus une composante indissociable. La faute, dans un premier temps, à l’arrivée du feu bactérien au milieu des années 80 (et au remplacement de nombreuses rosacées sensibles par une gamme plus élargie), puis grâce aux multiples programmes de recherche privés et publics qui ont abouti à la création de quantité de cultivars compacts et souvent très florifères.

Les couleurs nuancées de jaune et les franges délicatement découpées du feuillage de ce Sambucus racemosa ‘Plumosa Aurea’ sont des atouts importants qui perdureront du printemps à l’automne. Mais attention, sa vigueur est grande !
Judicieusement choisis et associés, les arbustes permettent de créer des massifs capables de présenter un intérêt esthétique et écologique en toute saison qui, de surcroît, demandera peu d’entretien et perdurera pendant de nombreuses années. Cependant, choisir une palette végétale pour un aménagement n’est pas sans conséquences et pas toujours simple. Selon les collectivités, le temps consacré aux arbustes représente 25 à 50 % du temps passé à l’entretien des espaces verts. La taille, quant à elle, est fréquemment responsable de 40 % des temps de travaux consacrés aux arbustes et les rémanents provenant de ces mêmes arbustes totalisent 75 % de la totalité des produits de taille et plus de 35 % des produits végétaux. Pourtant, un choix judicieux de la gamme végétale à utiliser et un entretien parfaitement adapté peuvent faire considérablement chuter les coûts d’intervention. Trop souvent, les concepteurs se cantonnent à composer des massifs d’arbustes en se souciant essentiellement des associations de couleur de floraison. Grave erreur !
• D’une part parce que les floraisons, souvent de courtes durées, peuvent ne pas s’effectuer en même temps, auquel cas l’effet escompté est raté (n’oublions pas que les floraisons dites “printanières” s’échelonnent sur 3 mois…),
• D’autre part parce que l’évolution du volume des arbustes, conséquence de leur mode de ramification, est très souvent laissée pour compte, car beaucoup trop méconnue et bien trop rarement enseignée dans les écoles, mêmes spécialisées !
• Enfin, parce que la prétendument implacable réponse fréquemment faite quand est abordée la question d’un éventuel mauvais choix est : «oui, mais ça se taille !»…

En dehors de toute floraison, les contrastes de formes et de couleurs de feuillage offerts par cette association de Cornus mas, Choisya ternata ‘Sundance’et Spiraea thunbergii suffisent à créer un décor intéressant devant ces bardages métalliques.
Eléments à prendre en compte pour une bonne association des arbustes :
Les facteurs pédoclimatiques
La palette végétale devra, en tout premier lieu, tenir compte des conditions et contraintes de sol et de climat. Si de nombreux végétaux sont capables de s’adapter à de multiples sols, il en est cependant qui sont incapables de s’accommoder de conditions de pH extrêmes. Toutefois, dans certains cas limités, il est possible d’avoir recours à des plantes greffées sur un porte-greffe capable d’apporter une adaptation à un type de sol donné.
Le volume et le mode de ramification des plantes
L’aptitude à prendre du volume est directement liée au mode de ramification des plantes : majoritairement basitone ou essentiellement acrotone. Les plantes acrotones étant, par nature, capables de générer de nouveaux rameaux sains en extrémité des rameaux des années précédentes, la taille ne sera pas une obligation mais l’augmentation de gabarit sera inéluctable. A l’inverse, les plantes basitones nécessiteront une régénération des rameaux sur souche plus ou moins fréquente mais, en contrepartie, ne prendront pas de volume au-delà des trois à cinq premières années essentielles à la mise en place du système racinaire.
Callicarpa bodinieri var profusion : l’intérêt de ses fruits est incontestablement plus important que celui de sa floraison.
Au-delà du volume et du mode de ramification des végétaux, il est un critère associé à ne pas négliger : la vitesse de croissance. Certaines plantes sont de véritables lièvres, capables de pousser très vite en un laps de temps relativement court, comme Photinia x fraseri ‘Red Robin’, avant de se calmer et de ne pratiquement plus augmenter leur encombrement, tandis que d’autres jouent les tortues, “se hâtent avec lenteur” mais croissent de façon linéaire, tant est si bien qu’elles finissent par prendre un volume auquel on ne s’attendait pas. Ce sera par exemple le cas du Prunus lusitanica (laurier du Portugal) ou, dans une moindre mesure, de l’Osmanthus heterophyllus ‘Goshiki’, superbe plante panachée très adaptée au décor hivernal, mais capable de dépasser allègrement les 3 m de hauteur. Mieux vaut y penser au moment de concevoir un plan de plantation !

Ce n’est certainement pas sa floraison presque insignifiante qui fera choisir ce fusain (Euonymus alatus ‘Compactus), mais ses couleurs d’automne et son port compact pourront y contribuer.
Le feuillage
Composer des massifs en établissant des contrastes de formes et de couleurs de feuillage est essentiel, et parfois aussi important que d’associer les couleurs de floraison d’arbustes… qui ne fleuriront pas nécessairement à l’époque prévue ! La dimension et le graphisme des feuilles permettront de générer des ambiances et contribueront grandement aux contrastes ou aux harmonies qui donneront leur personnalité aux massifs.
L’époque et le type de floraison
Toujours placée en tête des critères pris en compte dans la conception d’un massif, la floraison n’est pourtant qu’un élément parmi d’autres, parfois même mineur. Certains arbustes ont des périodes de floraison qui atteignent péniblement quinze à vingt jours dans des conditions favorables et qui, quand la météo est moins clémente (douceur, pluie et vent) ne dépassent guère huit à dix jours. C’est malheureusement le cas de nombreux Prunus (cerisiers fleurs) et des amélanchiers. Il serait donc dommage de n’utiliser ces arbustes que pour le seul aspect de leur floraison. Heureusement, l’un et l’autre sont capables de nous émerveiller par leurs somptueuses couleurs d’automne, leur port présente une bonne tenue et aucun ne nécessite un entretien régulier. En revanche, certaines plantes jugées intéressantes par leur floraison peuvent être très anodines, voire banales le reste du temps. On peut par exemple citer les grands cultivars de Forsythia. A l’inverse, d’autres arbustes peuvent n’avoir aucun intérêt pour leur floraison ou même leur fructification et révéler tout leur charme à l’automne, tout en conservant une allure intéressante pendant l’hiver. Le cultivar de fusain ailé Euonymus alatus ‘Compactus’en est un admirable exemple. Certains arbustes sont capables d’offrir une floraison d’une durée exceptionnelle, comme Lavatera olbia ‘Rosea’ ou Indigofera gerardiana.
Les fructifications
Si beaucoup de plantes ne possèdent pas ou peu de fruits, il en est cependant un nombre important qui sont capables d’offrir de véritables décors par leur fructification, comme par exemple les Callicarpa, bien plus connus pour leurs baies violettes que pour leur floraison, relativement insignifiante, ou encore les fusains d’Europe (Euonymus europaeus), Viburnum opulus (viorne), ou autres Cornus mas (cornouiller mâle)…
Les colorations automnales
Pour beaucoup, l’automne est synonyme de morosité. Pourtant, il n’est qu’à se promener dans la campagne pour être émerveillé par la diversité de couleur des feuillages. Copier la nature et utiliser les parures de certains arbustes est un moyen de continuer à donner de la couleur aux massifs et à les égayer.
Le port et le bois
Si la floraison ne dure pas toujours très longtemps, à l’inverse, le port est visible toute l’année. Sur les caducs, la forme de la charpente et la qualité de sa structure sont visibles pendant 4 à 5 mois. La couleur des bois pourra parfaitement être associée au décor hivernal : cornouillers à bois jaune, rouge, fluo ou noir, Leycesteria à bois vert… Mais attention, pour que le port des plantes caduques puisse être apprécié, ces dernières devront être correctement taillées (s’il y a nécessité d’intervention), sous peine de mettre en évidence les erreurs commises. Le port est le seul critère dont la caractéristique sera visible tout au long de l’année.
Quelques exemples d’arbustes à associer au fleurissement
Cette liste indicative propose quelques arbustes qu’il est possible d’associer à un fleurissement d’annuelles, bisannuelles ou vivaces pour un décor d’arrière saison/hiver. De par leur mode de ramification acrotone, certaines plantes ne devront que “transiter” dans les massifs, avant d’occuper une place définitive où elles pourront pousser librement et sans contraintes.
• A belia x grandiflora ‘Confetti’
• Aucuba japonica ‘Rozannie’
• Aucuba japonica ‘Variegata
• Cornus alba (divers cultivars)
• Cornus sanguinea ‘Winter Fire’
• Daphne odora ‘Marginata’
• Edgeworthia chrysantha = papyrifera
• Erica diverses
• Ilex aquifolium et I. meservae (divers clones femelles)
• Leucothoe fontanesiana ‘Rainbow’
• Lonicera ‘Twiggy’
• Mahonia x media ‘Charity’
• Mahonia ‘Winter Sun’
• Nandina domestica ‘Firepower’
• Osmanthus heterophyllus ‘Goshiki’
• Pieris divers
• Rubus thibetanus
• Skimmia ‘Foremanii’ et S. japonica ‘Rubella’
• Viburnum tinus ‘Eve Price’et V. Tinus ‘Gwenllian’L’anticipation du mode de taille et de sa fréquence
Il n’est pas rare de voir des massifs arbustifs offrir de superbes floraisons pendant quelques années puis, par suite d’un mauvais choix et/ou de tailles drastiques totalement inadaptées, retrouver ces mêmes massifs devenus un peu plus tard on ne peut plus sinistres, sans que les plantes puissent exprimer leur caractéristiques de ramifications, de port, de floraison et de fructification. Toutes les plantes n’ont pas les mêmes vitesses et les mêmes modes de croissance. Pour que l’entretien à effectuer soit en parfaite adéquation avec les idées et les objectifs d’origines, il est primordial de connaître parfaitement les végétaux avant de les planter. Et pour qu’un espace puisse s’exprimer harmonieusement pendant de nombreuses années, il est indispensable d’anticiper l’entretien au moment de la conception. C’est en cela qu’on reconnaît les qualités d’un concepteur !