Créé dans les années 1930 en coeur de ville, le parcours d’Hossegor porte la signature du britannique John Morrison, figure de l’école anglaise, et d’Arnaud Massy. Fidèle à l’esprit des ‘inland courses’, le tracé, étendu sur 47 ha, s’inscrit dans une pinède préservée, à deux pas de l’océan mais protégé des vents marins. Par 71 assez technique et raffiné, il exige du golfeur une lecture fine des zones de jeu et un placement rigoureux – sur ce parcours, la puissance s’efface souvent devant la stratégie. En effet, de longs par 4, difficiles à l’aller, se transforment aussi en redoutables doglegs au retour. Les greens, subtils et bien défendus par des bunkers, prolongent cette philosophie d’un golf d’équilibre, qui récompense le sens du jeu plus que l’esbroufe. En 2003, c’est au tour de l’américain Cabell Robinson de marquer le site de son empreinte. L’architecte agrandit notamment certains greens, sans toucher à l’or vert du golf : ses pins maritimes, ses chênes pédonculés, ses arbousiers... D’ailleurs, si les arbres, pour certains séculaires, pouvaient parler, sans doute apprécieraient-ils l’estime que leur ont portée les architectes qui ont eu l’honneur de moderniser le parcours. Et si l’intendant des lieux, Xavier Yvetot, pouvait aussi leur parler, peut-être leur dirait-il : “Laissez passer l’air entre vous, ce sera mieux pour mes greens !”.

Green n°10 lors de l’European Girl EGA. On apprécie la qualité !
De l’air !
On en vient justement à une contrainte majeure du parcours aux dires de l’intendant, 25 ans à tondre, fertiliser... bref bichonner le parcours d’Hossegor. “La circulation d’air est difficile sur les zones de jeu, d’où l’humidité omniprésente. Quand il n’y a pas de tonte, c’est à l’aide d’une corde lestée que nous éliminons la rosée. Un bon état sanitaire est indispensable et cela passe notamment par de lourds travaux mécaniques”, indique-t-il. Sur les greens, deux grosses aérations sont réalisées simultanément en mars et en septembre. “D’abord un premier travail de surface au Procore avec des pointes de Ø 16 (8 cm), suivi d’un second au Vertidrain 7215 avec des pointes de Ø 16, descendant cette fois-ci jusqu’à 20 cm de profondeur. Au préalable, un sablage (0.6/1.4) est effectué pour boucher les orifices”, détaille l’intendant. Par ailleurs, toutes les trois semaines, des aérations avec des aiguilles de Ø 8 sont réalisées au Procore. Objectif : maintenir une percolation et une oxygénation du substrat. Durant l’année également, trois décompactages au Vertidrain sont programmés afin de motiver les racines à descendre. Concernant les fairways, “depuis 15 ans, nous réalisons deux opérations d’aération en même temps que les greens avec notre Terra Spike GX8. Des broches de Ø 22 sont utilisées sur 20 cm de profondeur, en générant un angle de 15° pour créer un léger décompactage”, décrit-t-il. Auparavant, du sable similaire à celui du site est épandu à raison de 4 L/m². Celui-ci provient de divers chantiers environnants, criblés et revalorisés pour une nouvelle utilité. Quant aux zones d’approche, celles-ci sont travaillées en surface avec des louchets de Ø 16 pour extirper de la matière car souvent plus organique, et en profondeur avec le Terra Spike GX8 muni de pointes de Ø 22. En juin, petite subtilité, les zones d’approche sont de nouveau sablées décompactées avec des pointes de Ø 16 au Vertidrain pour raffermir l’entrée des greens.Lors des aérations, le taux de matière organique (MO) est mesuré sur tous les greens pour décider d’extirper ou non de la matière. L’analyse chimique est opérée également “Les mesures sont réalisées par le laboratoire écossais European Turfgrass Laboratories (ETL)”, précise l’intendant.Le parc matériel
• Tondeuse greens Toro 3420
• Tondeuse greens Toro 3320
• Tondeuse approches Baronnes 311
• Tondeuse départs Toro 3250
• Deux Tondeuses fairways Toro 3575
• Tondeuse buttes et pré-roughs John Derre 7400
• Tondeuse buttes Kubota G23
• Éléments traînés roughs Wessex 3,20 m
• Kubota 3890 avec souffleur Buffalo et mutting fléaux.
• Toro Sand pro 5040
• Pulvérisateur multipro 1750
• Deux Aérateurs procore 648
• Epandeur à engrais Aguirre à canule.
• Vertidrain 7215 (copropriété Seignosse)
• Wiedenmann Terra Spire GXI HD
• Deux rouleaux Smithco ultra light
• Une sableuse Toro Propass 200
• Une mini-pelle de 3,5 t
• Une sableuse FWS Nobla DR 2900
• Une Amazone Smart Cut
• Un chargeur articulé Mecalac
• Un Vrédo 212 Supercompact (copropriété Seignosse)
• Un tracteur New Holland T4 110 cv
• Un tracteur New Holland T3 50 cv
• Engins de transport : RTV Kubota, Toro MDX, Toro HDX, voiturette CushmanMoins de traitements, plus de travail mécanique
Lucide, Xavier estime qu’il n’y a pas aujourd’hui d’alternatives aussi efficaces que la chimie pour soigner un gazon ou éradiquer des attaques de Dollar Spot, qu’il observe de mi-avril à mi-novembre. “Pour autant, nous avons considérablement diminué nos traitements de synthèse ces dernières années”, se félicite-t-il. Les raisons ? La multiplication des opérations mécaniques, un renforcement optimal du gazon et les conseils avisés de l’ingénieur agronome Alejandro Reyes, mobilisé depuis 2019 afin d’améliorer le parcours dans son ensemble et aborder le défi zéro phyto. “Cela passe, tout d’abord, par l’asséchement des greens. L’objectif en saison est de maintenir un taux d’humidité, mesuré au TDR, entre 14 et 16 %. On arrose les greens au cas par cas, quand les valeurs frôlent les 11 %. Ainsi, l’humidité, facteur de développement des champignons pathogènes, est contrôlée”, explique-t-il. Les aérations à aiguilles, réalisées toutes les trois semaines, couplées à un apport d’agents mouillants pénétrant ou triple action, maintiennent un taux d’humidité relativement bas. En parallèle, l’intendant et son équipe programment quelques opérations supplémentaires, toujours dans l’objectif de contrôler l’humidité : “Toutes les semaines, nous réalisons un top-dressing avec du sable 0.3/0.6 à raison de 50 cL/m². Trois à quatre roulages par semaine sont également effectués pour éponger efficacement les surfaces et gagner en vitesse de roule. Les greens deviennent ainsi très fermes ; mesures sous les 290 faites avec notre Trufim de Fieldscout.” Le feutre devient ainsi quasiment inexistant.Nourrir un gazon résistant
Les greens sont nourris régulièrement en spoonfeeding avec un cocktail composé d’engrais liquide, d’oligo-éléments, de biostimulants à base d’algues, de silice, de sulfate de fer . Les fongicides naturels sont utilisés en programme ou selon la pression pour amoindrir les attaques de maladies (exemples : Coniothyrium pour lutter contre les sclérotes, des bactéries et Trichoderma pour concurrencer les champignons pathogènes...). Le pâturin annuel est agressif dans notre région et sujet aux maladies. Pour cela, “on assèche les greens pour le contrarier, et on convertit progressivement le tapis avec des regarnissages d’agrostis.” Deux opérations annuelles sont organisées à base d’agrostides stolonifères (avec une triple dose sur les greens les plus impactés). Plusieurs variétés sont semées, dont ‘Valderrama’ et ‘Tour Pro’ pour davantage d’efficacité. Aujourd’hui, près de 80 % de ces variétés composent les greens . Les départs, fairways et zones d’approche sont fertilisés avec une technique bien défendue par Xavier Yvetot : “Je suis un adepte de la fertilisation dynamique, qui vise à ne laisser place à aucune carence en apportant des engrais minéraux ICL Sportmaster CRF 20/6/10 à libération lente toutes les six semaines. Cela génère une forte densité des surfaces, ne laissant pas de place aux adventices, et aux graminées invasives notamment les digitaires. Bien sûr, la cadence de tonte est plus importante, mais le résultat est tellement concluant. Des apports d’UFN par pulvérisation foliaire maintiennent la densité durant l’hiver. Tous les ans, fin septembre, un regarnissage de ces surfaces est réalisé avec du ray-grass anglais traçant, plus ‘agressif ’ par expérience que son homologue gazonnant pour concurrencer le pâturin annuel”, développe-t-il.
Tonte sur le fairway du trou n°10. La rosée matinale est éliminée.
Un arrosage maîtrisé
Après plusieurs mois de travaux l’hiver dernier, tout le système d’arrosage a été rénové par les équipes d’Arrosage Concept et d’Hydro Système, sous la direction du maître d’oeuvre Luis Doncel (Imaginieur). “Fini les fuites récurrentes, les implantations incohérentes, les coefficients d’uniformité catastrophiques et les zones sur-arrosées”, se réjouit l’intendant. En effet, ce sont désormais 980 arroseurs indépendants de marque Toro, commandés par le logiciel Lynx, qui irriguent désormais le parcours. “L’une de mes priorités était l’implantation des arroseurs en back to back au plus près des greens afin de bien dissocier l’intérieur et l’extérieur. Cela nous permet d’assécher les zones de putting, tout en irriguant correctement les abords”, indique-t-il, se remémorant le protocole qu’il avait mis en place avant la rénovation de l’arrosage. “Nous manipulions un par un nos arroseurs réglables Flex 35. Un travail chronophage mais utile quand on veut abaisser lestaux d’humidité des greens tout en maintenant l’arrosage des abords”, note-t-il. Le réseau secondaire, qui irrigue les fairways, est en ‘hardline’ (une ligne centrale d’arrosage et deux lignes périphériques en demi-cercle). L’implantation idéale pour affiner les apports. Le parcours est situé juste au-dessus d’une nappe phréatique, entre barthes et océans. “Un avantage en été pour la ressource en eau, mais très problématique en hiver quand elle fait surface et inonde les points bas”, pointe-t-il. L’eau d’arrosage provient de deux forages, profonds d’environ 17 m. “En permanence, on a 30 m de colonne d’eau sous les pieds ! Belle ressource en eau mais à consommer avec modération. L’utilisation quotidienne du TDR et de l’information de l’ETP fournie par notre station météo nous permet d’ajuster au mieux les programmations”, rassure-t-il.L’heure du bilan
Homme d’expérience, embauché comme jardinier à Hossegor avant de prendre rapidement l’intendance adjointe puis générale, Xavier Yvetot dresse le bilan. Il commence par son métier en tant que tel. “C’est un métier passionnant, en connexion avec la nature. Même si les grandes lignes d’entretien sont définies à l’avance, il faut savoir observer son gazon tous les jours pour ajuster l’entretien.” “Notre objectif est principalement d’offrir à nos membres et visiteurs, des conditions de jeu optimales en veillant bien sûr à l’esthétique pour plus de plaisir. La réception de quelques Grands Prix et tournois internationaux nous motive à adapter les conditions de jeu au haut niveau.” Cependant, tout n’est pas rose (‘vert’ dirons-nous). Tout d’abord, la quête d’un parcours zéro phyto semble difficile. “Il faut aujourd’hui accepter de ne pas avoir tout le temps des greens parfaits et diminuer ainsi les traitements. Le travail mécanique doit toutefois prendre le dessus. Cela implique, par exemple, des regarnissages localisés avec Accuseed, deux fois par semaine sur les foyers infectieux. Mais pour l’instant, il ne faut pas se voiler la face. Lorsque la nature s’acharne sur nous, comme à l’automne 2024 où la pression était inédite, les greens auraient été partiellement détruits si nous n’avions pas utilisé des fongicides de synthèse. Pour cela, un grand merci à tous ceux qui s’impliquent à prouver cette réalité, ainsi qu’à ceux qui recherchent des solutions. On rêve tous d’unidéal biologique, mais selon les objectifs des clubs, la chimie reste parfois nécessaire.” Il poursuit : “Ce qui est intéressant dans notre métier, c’est qu’en fonction des situations géographiques, nous avons tous des conditions différentes pour travailler. Les avantages ou les contraintes varient. Les climats, les sols sont différents, chaque intentant doit s’adapter à son site pour en tirer le meilleur. Je dis cela car ce qui fonctionne à Hossegor sur sol sable, ne fonctionnera peut-être pas ailleurs. En 25 ans à Hossegor, j’en ai vu passer des attaques de Dollar Spot ! Je sais très bien qu’à la moindre carence en fertilisation combinée avec des conditions propices aux champignons, les fairways et les départs se blanchissent de mycellium . Sans anticipation, les surfaces se creusent et affectent considérablement les conditions de jeu. Heureusement, la fertilisation ‘dynamique’ a pratiquement réglé le problème.” Malgré les aléas du métier, Xavier Yvetot aime venir chaque jour fouler le gazon d'Hossegor. “Si vous saviez le plaisir d’un set up, au lever du jour, de croiser un chevreuil, d’observer mon équipe s’appliquer dans leurs tâches respectives pour préparer un beau et bon parcours. J’ai cette chance d’avoir une superbe équipe, motivée, dynamique et professionnelle qui oeuvre tous les jours pour régaler nos joueurs. Je tiens à les remercier.” À notre tour de remercier l’intendant d’Hossegor pour son accueil, son approche objective du métier et ses bons conseils que chacun pourra appliquer.