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Un ailleurs à portée de pas

18/09/2025
Un ailleurs à portée de pas
Surprenant par son exotisme et son atmosphère hors du temps, le jardin japonais Pierre Baudis séduit autant par sa beauté que par la minutie de son entretien. Labellisé “Jardin remarquable”, il reste aujourd’hui l’un des lieux les plus visités, admirés et “instagrammable” de Toulouse.
Créé à l’initiative de Pierre Baudis, maire de Toulouse de 1971 à 1983, sur un ancien site de casernes désaffectées, le parc Compans-Caffarelli s’inscrit dans un vaste projet de réaménagement urbain. En son cœur, un jardin japonais de 7 000 m² est aménagé dans le respect des traditions paysagères nippones.

Un espace façonné selon les codes japonais

“Un jardin japonais a pour vocation de recréer, dans un espace restreint, la nature dans toute sa plénitude. Celui de Compans-Caffarelli s’inspire directement de la Villa impériale de Katsura, à Kyoto, qu’il reproduit à l’échelle 1:10e, et abrite un pavillon de thé construit en taille réelle”, explique Frédéric Bordis, jardinier responsable du parc depuis une quinzaine d’années. Gardien des lieux, il connaît chaque pierre, chaque arbre, chaque détail de ce site unique. De type Tsukiyama, le jardin se distingue par une topographie soigneusement travaillée en collines artificielles et par l’intégration d’éléments symboliques chers à l’art paysager japonais. “Rien n’est laissé au hasard. Par exemple, l’agencement des rochers comme celui des végétaux obéit à la règle des nombres impairs, porteurs de positivité. La palette végétale du jardin reste volontairement sobre, composée de trois tons différents de “verts” et peu fleurie. Les fleurs apparaissent surtout lors des transitions saisonnières, pour marquer chaque période d’un symbole fort”, partage le responsable. L’éclat des cerisiers au printemps, des Lagerstroemia en été, les érables flamboyants en automne et la présence immuable du pin en hiver. Parmi les espèces, on retrouve des érables du Japon, des andromèdes, des skimmias, mais aussi des bambous et des arbres venus d’Asie orientale tels que le paulownia, le sophora ou le plaqueminier. Les variétés de cerisiers à fleurs, arbres emblématiques, portent des noms évocateurs, Kiku, Shidare ou encore Kanzan, et rappellent l’attachement profond du Japon à cet arbre symbole de beauté et de renaissance. Ces compositions végétales sont mises en valeur par de larges pelouses, qui jouent un rôle central dans la conception des jardins japonais. Elles répondent au principe du “vide”, destiné à mettre en valeur les “pleins” et à structurer les perspectives. Dans la tradition, l’usage du fer est proscrit dans les jardins japonais : ici, le mobilier est exclusivement en bois. Et l’on raconte que les samouraïs, avant d’entrer dans ces havres de paix, devait déposer leurs armes et leurs armures à l’entrée.

Une composition minérale symbolique

Le jardin comprend un grand bassin central peuplé de carpes Koi, mais l’eau s’exprime également à travers la symbolique minérale. Le pavillon de thé, construit sur pilotis, surplombe un parterre de galets. Un lit de pierres, disposé au sol, remplace les gouttières et suggère le cheminement de l’eau. Plus loin, une cascade imaginaire formée de pierres plates et un jardin sec de méditation, ratissé à la main en forme de vague, complètent l’ensemble.
La palette végétale du jardin reste volontairement sobre, déclinée en trois nuances de vert et peu fleurie. Les floraisons marquent surtout les transitions saisonnières, comme celles des cerisiers au printemps, célébrées chaque année lors de la fête du Hanami.

Un entretien à la japonaise

Classé “Jardin remarquable”, ce lieu demande un entretien rigoureux avec des savoir-faire spécifiques. Ici, aucun produit chimique n’est utilisé, le désherbage est manuel. Les tailles sont quant à elles réalisées au sécateur, jamais au taille-haie et selon des formes codifiées : en nuage, en plateau, en rideau ou en transparence. “C’est un travail méticuleux où les finitions sont importantes. C’est un jardin qui apprend à apprécier les détails», s’enthousiasme Frédéric Bordis. Les pelouses, essentielles dans la composition, font l’objet d’une attention particulière. Elles sont nourries d’engrais biologiques, tondues et scarifiées à la main pour éliminer mousse et herbes indésirables. Côté arrosage, le jardin ne dépend plus de l’eau de ville depuis quinze ans. Le relief en pentes douces permet d’optimiser chaque pluie et l’ensemble du parc bénéficie d’un système automatique alimenté par le canal du Midi. En période de canicule, ce dispositif est ponctuellement complété par un arrosage manuel.

Entre cycle naturel et adaptation climatique

Le jardin japonais illustre le principe du yin et du yang. La mort d’un arbre n’est pas vécue comme une fin mais comme une étape naturelle du cycle de vie. Au Japon, un arbre mort peut rester un mois sur place, rappelant l’impermanence des choses, avant d’être remplacé par la même essence. À Toulouse, la pratique est différente : “Pour préserver l’harmonie visuelle de ce « Jardin remarquable” et éviter les inquiétudes des visiteurs, les arbres morts sont retirés assez rapidement, car cette pratique est moins ancrée dans notre culture. Il nous arrive toutefois de les maintenir sur place en les accompagnant d’un panneau explicatif.” Traditionnellement un arbre mort doit être remplacé par la même essence. Aussi, les cerisiers, emblématiques mais à la durée de vie courte, sont replantés de manière anticipée dès que leur état commence à décliner, afin d’anticiper les manques.Les jardiniers expérimentent également de nouvelles essences dans le respect de la palette végétale d’Orient et du Grand Orient (Chine, Corée, Japon, Himalaya). “Le Lonicera nitida (faux buis) est sensible à la chaleur et souffre à Toulouse. Nous testons pour le remplacer petit à petit par du bambou nain, plus résistant”, partage le responsable.

Un lieu de célébration

Le jardin japonais n’est pas seulement un espace contemplatif, c’est aussi un lieu de vie et de partage. Chaque printemps, il accueille la fête du Hanami, célébration traditionnelle des cerisiers en fleurs. Cet événement attire un public nombreux, venu admirer la floraison spectaculaire du parc. Cette année, le jury du label “Villes et Villages Fleuris” a également clôturé sa visite officielle par un déjeuner au parc. Véritable havre de paix, le jardin japonais Pierre Baudis séduit par ses scènes raffinées et son symbolisme. Il incarne l’art de suggérer plutôt que de montrer et rappelle combien la beauté se niche dans la poésie. Il offre à Toulouse un fragment du Japon… et quelques inspirations à glaner pour vos espaces verts.